Pour 2020, je vous souhaite de la bonté. D’en donner et d’en recevoir.

La bonne nouvelle, c’est qu’en donner fait autant de bien qu’en recevoir (plus peut-être) : votre cerveau présente la même configuration quand vous faites le bien que quand vous buvez un verre de vin ou mangez un carré de chocolat. On suppose que ce fonctionnement du circuit du plaisir et de la récompense, activé lors d’actes philanthropiques par exemple, a été favorisé par la sélection naturelle pour ce qu’il avait de précieux pour l’espèce : en effet, faire régner la bonté dans un groupe humain permet de le faire vivre en paix, en minimisant les risques de conflits qui peuvent mener à la mort. La mortalité dans ce groupe sera aussi diminuée pour une autre raison : la bonté fait vivre en meilleure santé, et plus vieux !

Il est étonnant que la loi sanctionne très clairement les menaces ou les attaques physiques, et bien entendu l’homicide, mais ne prenne pour ainsi dire pas en cause les menaces ou attaques morales[1], tout aussi délétères (parfois plus) pour la vie humaine.

Nous devons cette ligne de conduite de la société en grande partie à Descartes, partisan –crédible si pas fondateur-  du dualisme, qui postule que le corps et l’esprit sont deux entités distinctes et que seul le corps a une réalité physique attestable. Or on sait aujourd’hui que « l’esprit » au sens cartésien est tout simplement un ensemble de réactions chimiques et électriques logées dans le cerveau, organe comme un autre. Faire souffrir le cerveau, c’est faire souffrir le corps, et une maltraitance mentale pèse autant, et même plus, qu’une maltraitance physique. Le cerveau a la responsabilité de gérer le « budget du corps »[2] . Sa souffrance aura donc un impact durable sur votre métabolisme, non pas par une fumeuse voie dite psychosomatique, mais de façon directement identifiable et selon des processus réels, physiologiques, aujourd’hui bien connus.
Il est ainsi avéré que la maltraitance familiale peut entraîner un retard de développement cognitif de l’enfant, et que ce même enfant apprendra mieux ses leçons s’il est encouragé et valorisé. Un tout petit d’homme (et de singe aussi) apprendra mieux à catégoriser des jouets si il est sur les genoux de sa mère.

Les enseignants semblent être nombreux à ignorer ce fait, et chaque année des adolescents tentent de mettre fin à leurs jours parce qu’ils se sentent inaptes, pas à la hauteur, parce qu’ils ont le sentiment « qu’il n’y arriveront jamais » et de ce fait n’auront pas de place dans le groupe. La vie, dans ces conditions-là, perd tout son intérêt, et devient même effrayante. Alors avant de porter des appréciations humiliantes ou blessantes, en public ou dans un bulletin, j’aimerais que chaque enseignant pèse la responsabilité qui lui incombe. « C’est catastrophique, X n’est pas du tout au niveau » n’a jamais, JAMAIS aidé un élève à progresser. Mais l’a parfois précipité dans le désespoir.  En revanche « j’ai confiance qu’avec régularité et persévérance X parviendra à se remettre à niveau » signifie bien qu’X n’a pas le niveau requis mais a les capacités d’y parvenir (comme tout le monde, moyennant cette confiance et un peu d’amour, ce qui n’est pas rien).

La bonté a tout simplement comme effet de diminuer le stress. Celui d’un élève ou d’un étudiant peut être mortel, parce que la régulation de son « budget » ne se fait plus convenablement. Le cerveau reçoit les mauvais signaux, met le corps en ordre de bataille alors qu’il devrait dédier ses efforts à l’apprentissage, le système immunitaire flanche (il est délaissé en cas de stress), l’inflammation apparaît, la fatigue chronique s’installe, potentiellement accompagnée d’une douleur chronique (dos, migraine …) et la vie perd son sens.

Ceci est vrai pour chacun, et les terribles histoires des employés de France Telecom sont là pour en témoigner.A plus bas bruit, ces désorganisations fonctionnelles ne conduiront pas au suicide, mais à une qualité de vie très dégradée. Les douleurs chroniques, presque toujours liées à une souffrance mentale, sont de l’ordre du handicap physique et rendent par exemple la vie extrêmement difficile, interdisant pour de longues périodes toute activité, y compris celle de gagner sa vie.

Un élément physiologique supplémentaire à mettre au débit de la détresse émotionnelle, principal pourvoyeur de stress,  est son impact sur nos télomères. Sorte de capuchons de protection de nos chromosomes, ils diminuent naturellement, et quand ils disparaissent notre vie prend fin. Mais au-delà de cette usure naturelle, le grand ennemi des télomères est le stress. Il impact directement leur taille. Le stress raccourcit donc notre vie, même si nous n’avons pas l’intention d’y mettre fin.
Les blessures émotionnelles font plus de dégâts physiques, durent plus longtemps et ont plus d’impact sur la santé future qu’une blessure corporelle. Et pourtant elles continuent d’être traitées à la légère. La loi protège notre intégrité physique, pas notre intégrité morale. Alors c’est à nous, chacun en notre  « âme et conscience », c’est-à-dire en utilisant ce magnifique cerveau logé sous notre crâne, de choisir la bonté, jusqu’à ce qu’un jour, il semble naturel de l’inscrire dans la loi.

Alors, en 2020, ajoutons de la bonté dans ce monde, pour rééquilibrer notre budget corporel, et vivre mieux, aussi longtemps qu’une bonne santé le permet.

Dans un prochain article, je partagerai avec vous ce que je pense que l’on peut faire, en pratique, pour rajouter de la bonté au monde. Mais je suis sûre que chacun apporte déjà, et continuera d’apporter, peut-être en l’élargissant, sa part, et je m’en rejouis !

Joyeux Noël, et BONNE année 2020 !


[1] A l’instant où j’écris, le jugement de « l’affaire France Telecom » est rendu. Je me réjouis que la culpabilité des dirigeants ait été reconnue. Mais 75 000 euros (peine maximale m’informe Le Monde) pour 19 suicides, 12 tentatives de suicides et 8 dépressions (sans compter tous ceux qui n’ont pas porté plainte), c’est tellement dérisoire ! 1 an de prison dont 8 mois avec sursis pour DIX-NEUF suicides !!! Ne serions-nous pas tentés de les qualifier d’homicides ?  Je ne doute pas que les juges aient fait correctement leur métier, mais peut-être la loi mériterait-elle un aménagement désormais ? 

[2] J’utilise ici la traduction de l’expression « body budget » utilisée par Lisa Barrett Feldman dans son ouvrage puissant « How emotions are made », dont la lecture m’a grandement inspirée pour cet article.

One thought on “Une année de bonté”

  1. Combien d’enfants brisés, combien de vies mises en danger pour une main qui n’a pas été tendue. C’est l’hécatombe.
    Merci de nous rappeler le puissant pouvoir que nous détenons tous et la joie qui en résulte.
    Merveilleuses fêtes de Noël et mille souhaits de bonheurs partagés pour 2020

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