Saboteur n°1

Permettez-moi de vous présenter mon saboteur. Je l’ai appelé « n°1 » parce que c’est le premier chronologiquement d’une grande série (je l’espère) de portraits. (voir http://paulinecharneau.wordpress.com/2013/07/05/le-saboteur-de-lete-lancement/)

Je compte sur vous !

Mon saboteur :

Ce fantôme hante discrètement ma vie, comme un nuage gazeux qui cacherait toujours un peu le soleil tout en laissant deviner sa présence. Le gaz se fait de plus en plus léger, de plus en plus sec et inodore, je vois de mieux en mieux à travers lui.

Mais quelle forme a-t-il réellement ? Il ou Elle ?

Elle sans doute. Une petite femme d’âge moyen, pas très jolie, qui a compensé sa disgrâce physique par beaucoup d’intelligence, mais qui en a conçu quelque aigreur et tient la beauté des femmes pour de la vulgarité.
Elle s’habille de façon assez terne et sa voix n’est pas forte, même si elle peut être cassante ou autoritaire.

Elle a mon âge, mais elle a toujours eu cet âge. Je veux dire qu’elle a toujours eu l’âge que j’ai aujourd’hui (et qu’elle m’interdit de préciser). Sans doute pour cela m’impressionnait-elle plus lorsque j’étais enfant, puis jeune femme.
Aujourd’hui il me semble la comprendre, donc la maîtriser.

Elle aime à tout savoir. Maîtrise de la connaissance, maitrise de l’information, donc croit-elle maîtrise de la vie. Elle ne veut pas se faire avoir, perdre la face, se sentir en position d’infériorité. Elle sait, elle affirme.

Que je sois disponible pour elle ou pas, elle sera toujours aux aguets. Elle dirige mes rêves, attend la fin de ma joie pour m’en expliquer les raisons.

Elle m’a appris la contrainte, l’effort, le mérite. Elle valorise la souffrance muette, signe de dignité. Le combat contre soi-même est une de ses valeurs. Elle m’a entrainé dans un défi permanent contre ma nature profonde. Tout ce que je n’aime pas ou que je fais mal, elle m’a forcé à le faire pour me prouver que je valais quelque chose. Au point que j’ai formidablement trompé les autres, et que je me suis un peu trompée moi-même.
Elle m’a éloigné de moi, parce que ce que j’étais vraiment n’était pas assez admirable. Mais maintenant que je me rapproche de ma vérité, elle semble perdre de sa force.

Elle n’a pas vraiment combattu mes valeurs, elle les a fait passer pour mineures, peu nobles.

Elle vous dirait que c’est grâce à elle que je suis ce que je suis aujourd’hui, que sans elle je me serais laissée aller, j’aurais eu une petite vie médiocre, je me serais trompée dans l’éducation de mes enfants (elle pense d’ailleurs que je me suis trompée un peu). Elle est fière de son travail mais sait qu’elle perd du pouvoir. De temps en temps elle organise donc des attaques fulgurantes.

Plus je parle d’elle, plus je sens qu’elle s’éteint. Elle laisse la place à un peu de tristesse de l’avoir si longtemps laissé diriger ma vie. Elle aura encore un peu de pouvoir, comme une aïeule au coin du feu, qui ne dit plus rien mais dont le silence est éloquent. Et bien sûre elle a encore des alliés autour de moi, de ceux qui croient savoir ce qui est bien pour moi. Heureusement elle a aussi été combattue. Par mes amies principalement, mes relations professionnelles et souvent mes enfants.

Et enfin par son ennemi intime qui s’éveille en moi, comment l’appeler ce prince charmant qui fait de moi une reine? Et qui fera peut-être l’objet de la prochaine biographie ? Les anglo-saxons appellent ça le « magnificient self ». Quand vous aurez délogé votre saboteur, vous aurez le bonheur de mieux connaître cette partie de vous qui mérite d’être cultivée à chaque instant.

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