Changer enfin!

Nous aimerions tous apporter du changement dans nos vies. Changer de grandes et de petites choses. Des choses qui dépendent de nous et d’autres qui demandent la force de convaincre autrui. Des choses que l’on essaie de changer depuis longtemps sans y parvenir, d’autres qu’on a appréciées jusqu’à ce jour mais qui ont besoin désormais d’être réinventées. Il y a aussi celles que la vie nous oblige à changer, sans que nous en ayons réellement envie, mais sans que nous en ayons le choix non plus.
Or le changement n’est pas facile. La nature nous veut stables, sans doute pour nous maintenir en vie (c’est ce qu’on appelle l’homéostasie). Le corps tend toujours à réguler sa température autour de 37°, à réparer une trop longue veille par un endormissement irrépressible, à se nourrir lorsque les calories font défaut et à boire lorsqu’il est déshydraté. Il existe un point immuable où le corps est en équilibre, où aucun besoin ne se fait sentir, ni aucun excès, et ce point est caractérisé par le calme qu’il y règne.

Ainsi avons-nous tendance à assimiler ce calme de l’assouvissement des besoins physiologiques à une situation idéale. Parce que cette absence de tension signale que tout va bien, nous en recherchons la sensation dans tous les aspects de notre vie.
Or le changement crée de la tension. La faim, la soif et la fatigue bien sûr, mais aussi le changement d’environnement de travail, de responsable hiérarchique, de partenaire de vie, d’école d’entreprise, de pays, de régime alimentaire, de mode de transport, de marque d’huile d’olive, de rythme de sommeil, de méthode de travail, de façon de s’habiller … Le changement peut aussi être provoqué par l’ajout de quelque chose dans votre vie : un enfant, du sport, l’écriture d’un livre, la responsabilité d’un parent âgé, … ou la perte : arrêt de la cigarette, départ d’un enfant, séparation, perte d’emploi.

Ces changements, immenses ou minuscules, nous déséquilibrent et nous stressent. Et contrairement à ce que permettent les automatismes merveilleux de la biologie, nous ne pouvons souvent pas retourner à l’équilibre antérieur, car il n’est tout simplement plus disponible : Nous ne pouvons pas interdire à nos fils de nous quitter pour entamer leurs vies d’adulte, exiger qu’on nous rende l’emploi dont nous venons d’être licencié, refuser éternellement toute promotion où ne pas entendre les alertes de notre médecin concernant notre santé. Nous n’avons pas le choix que de laisser s’envoler notre enfant, chercher un nouveau job, accepter de prendre la direction de cette activité à l’étranger, nous résoudre à manger moins gras et faire du sport.Nous devons désormais monopoliser nos forces pour faire face à ce changement, fut-il non désiré.

Mais parfois la situation antérieure est encore envisageable : vous pouvez finalement renoncer à déménager, à changer d’entreprise, à vous installer avec votre amoureu.s.e (je m’essaie à l’écriture inclusive mais je ne suis pas sûre d’en avoir compris toutes les subtilités. Imaginez un enfant au CP !). Mais ce retour en arrière aurait un goût amer et laisserait sans doute toujours derrière lui la sensation d’un raté, d’un manque de courage, peut-être un regret inextinguible.
Car sans changement pas de progression. Et progresser, se développer, devenir plus dense, plus complexe, et jouir de ce sentiment de croissance, c’est donner du sens à sa vie.
Mais c’est aussi souvent une épreuve, et il est bien possible que l’épreuve (voire l’échec) soit partie intégrante de notre développement.

Ainsi le changement, même choisi, décidé, tenté avec enthousiasme, est difficile à faire persister dans le calme et la durée.

Prenez ici quelques instants pour passer en revue les changements que vous avez appelé de vos vœux depuis le début de l’année. Listez-les honnêtement, n’oubliez pas ceux qui sont mort-nés, ceux qui ont échoué très vite et que vous avez préféré oublier, ni ceux à qui vous venez de renoncer pour la troisième fois. N’oubliez pas ces tentatives velléitaires d’arrêter de fumer, d’arrêter le sucre, de vous mettre au sport ou d’arrêter de vous énerver sur vos collaborateurs. En solde, combien de changements avez-vous implémentés dans la durée, et parmi ceux qui vous ont été imposés, combien ont eu un effet positif ou neutre sur vous ?

Voyez-vous, dans les changements réussis, un point commun ? Une texture qui les rapproche? Et dans les changements qui n’ont pas tenu, le même arrière-goût ?
Voyons : voilà trois fois que vous essayez de perdre ces 3 kilos qui d’après vous sont de trop. Vous y parvenez parfois, mais sans que jamais vous mainteniez ce nouveau poids plus que quelques mois. Vous aimez trop les dîners entre amis, le bon fromage et le Paris-Brest. Vous privilégiez le plaisir. La mesure passera son tour.

Et vous avez bien raison ! Car ce n’est pas la conscience des bienfaits du poids « idéal » sur la santé qui va vous motiver à perdre ces kilos. Ce n’est pas votre moi rationnel qui va vous permettre de venir à bout de ce projet. Il a servi à le concevoir, il vous a montré le but à atteindre, mais ce sont d’autres territoires intérieurs qu’il va maintenant falloir mobiliser pour y parvenir.
Vous savez déjà qu’un état de stress ne vous sera d’aucune utilité. Si d’alarmants neurotransmetteurs signalent en permanence à votre cerveau que vous êtes en danger, il y a peu de chance que vous parveniez à lutter contre les charmes d’un gratin de macaronis au foie gras.
En revanche, si vous êtes préalablement dans un état de contentement proche de celui que pourrait susciter en vous le susdit gratin, il y a plus de chance que vous parveniez à lui résister.

De même, si changer d’affectation géographique pour la 5ème fois en trois ans est le prix à payer pour garder votre job ou pour progresser dans l’entreprise et que vous le vivez comme une épreuve angoissante, il y a de fortes chances pour que cette excessive mobilité devienne une douleur lancinante et diminue votre performance.
Fort bien me direz-vous, mais alors que faire ?

Et bien, trouver le moyen de mettre du plaisir dans tout ça.

J’espère que l’article https://www.paulinecharneau.com/quaimezvousfaire/ vous a donné envie de mieux comprendre ce qui vous faisait plaisir, et voilà un nouveau domaine d’application de vos découvertes.

Car ce qui rend le changement fragile, souvent peu durable ou stressant, c’est l’inconfort qu’il génère et dont je vous parlais au début de cet article. Cet inconfort, nous cherchons tous, de manière réflexe, à le fuir. Et ainsi nous fuyons ces changements qui nous tiennent à cœur et qui pourraient nous faire progresser vers un but désiré.
Or pour combattre cette sensation désagréable qui nous empêche de perdurer dans notre effort, rien ne vaut le plaisir ! Pour créer de l’attraction plutôt que de provoquer la fuite, le plaisir encore !

Voyons : par quel plaisir puis-je plus que compenser la frustration de résister à un de mes plats préférés ? Et bien cela dépend de vous, de vos motivations intrinsèques, de votre personnalité.
Si vous avez une personnalité de compétiteur, le plaisir de vous surpasser est déjà un moteur fantastique, auquel peut s’ajouter le plaisir de vous débarrasser d’une dépendance, d’un comportement dont vous n’étiez pas fièr(e), qui n’était pas conforme à vos valeurs.
Si vous aimez jouir tranquillement de l’instant présent, que vous êtes proches de la nature, que vous aimez les grandes balades ou l’escalade, le plaisir d’entretenir votre santé et de jouir d’un corps performant vous portera. Nourrissez-vous alors de « bonnes » choses, recherchez des commerçants pointus, intéressez vous à la bio-dynamie, cultivez une parcelle de potager commun comme on en trouve désormais dans les villes[1]. Cet investissement personnel vous donnera bien plus de plaisir que les excès de table antérieurs.
Si vous êtes de ceux qui aiment tout comprendre et qui s’émerveillent du fonctionnement des choses, approfondissez en lisant tout ce qui vous tombe sous la main sur la nutrition et la digestion, (mais faites attention de ne pas devenir casse-pied pour votre entourage). Votre sens de la synthèse vous permettra même de créer votre propre méthode, qui reprendra les dernières avancées en la matière, et, qui sait, vous en ferez peut-être un livre!

Voyez comme chaque personnalité (je n’ai pris que trois exemples, mais n’hésitez pas à me proposer d’autres « cas ») peut trouver une source de plaisir qui rendra le changement possible et durable. Possible car il aura allumé le moteur, et durable parce qu’une fois ce plaisir découvert, les tentations anciennes n’auront plus beaucoup de force. Elles reviendront bien sûr, et vous y cèderez, mais très peu de temps, trop heureux de retourner ensuite à votre nouveau plaisir.

Si cela vous paraît encore théorique, je vous engage vivement à faire vivre dès maintenant ce que je vous propose. Revenons à votre liste de tentatives de changement inabouties, et choisissez une chose qui a vraiment de l’importance pour vous, que vous le vouliez ou pas.
Visualisez le changement en question, puis l’état auquel vous aspirez à l’issue de ce changement.
Listez maintenant 3 choses qui pourraient faire jaillir du plaisir sur ce chemin.
J’en profite pour préciser que je parle ici de plaisir intrinsèque, qui vient du seul fait d’être en train de faire quelque chose. Un plaisir dérivé d’une action, et du fait que cette action est en train de rendre notre existence plus dense. Cela exclut donc les plaisirs sociaux de reconnaissance, d’admiration, de réussite visible. Ils ne sont pas d’un grand secours parce qu’ils ne sont pas durables. Quand votre entourage vous aura fait deux fois compliment sur votre ligne, cela n’aura plus d’impact sur vous. Vous chercherez autre chose pour l’impressionner. C’est le tonneau des Danaïdes du besoin de reconnaissance (Je vous en parlerai une autre fois, cela mérite un article entier).

Le plaisir que nous recherchons doit donc être issu du faire.

Faire, cela peut être courir, fabriquer quelque chose, apprendre, prendre des contacts, partager des informations, créer des liens, enseigner, mais aussi penser, contempler, lire, écrire, … Quelque soit la chose faite, il faut qu’elle prenne, au moment où vous la faite, toute votre attention, qu’il n’y aie plus guère d’espace ou de temps pour autre chose. Que le plaisir occupe toute la place.
Avez-vous trouvé ?
Alors allez-y ! Et témoignez de votre changement sur ce blog, ce serait formidable de partager, et que le plaisir fasse tâche d’huile.

 

Bon dimanche à tous, et bon changement !

[1] Ce sont des exemples, en aucun cas des recommandations précises !

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